Six choses que vous devriez savoir à propos de la monnaie dans notre système capitaliste 4


On a tous bien compris qu’il y avait un bug important dans notre système financier / monétaire mais souvent nous peinons à mettre le doigt dessus. Nous sommes bien conscients que la monnaie a pris un rôle trop central par rapport aux humains, alors nous accusons le financiarisme, le capitalisme, le libéralisme etc.. Voici un billet pour exposer et mettre en lumière les effets créés par les monnaies que nous utilisons aujourd’hui dans le capitalisme. Ces choses que nous devrions tous savoir, pour mieux comprendre comment nous pouvons les changer. Voici donc 6 choses que vous devriez vraiment savoir à propos de la monnaie telle que nous l’utilisons aujourd’hui :

1/ Elle est créée par les banques privées
2/ Émise sur des dettes entraînant des intérêts composés
3/ pour des retours sur investissement à court terme sans regard de l’aspect éthique du projet
4/ Émise en rareté artificielle, engendrant et encourageant des mécanismes de compétition
5/ avec pour conséquences la concentration de l’argent dans peu de mains
6/ et des crises bancaires et monétaires à répétition, des inégalités au niveau des richesses, et une représentation non-démocratique

1/ Elle est créée par les banques privées

En France, depuis le 6 janvier 1973, le pouvoir de création monétaire est passé de la Banque de France aux banques privées. Cela a été revalidé à deux reprises au niveau européen : en 1992, l’article 104 du traité de Maastricht stipule que les banques d’état ne peuvent pas émettre leur propre monnaie, en 2005, l’article 123 du traité de Lisbonne scelle à nouveau cette loi.

Donc les gouvernements, représentants du peuple, doivent emprunter aux banques privées et payer des intérêts alors qu’autrefois ils émettaient eux-même cette monnaie sans payer d’intérêt.

Conclusion : Créer la monnaie -un des pouvoirs les plus importants- placé auparavant sous le contrôle des institutions démocratiques, a été confié au privé. Par conséquent, la plupart des pays doivent payer des intérêts aux banques privées alors qu’elles avaient le pouvoir de créer leur propre monnaie autrefois.

2/ Émise sur des dettes générant des intérêts composés

La monnaie est créée par le crédit. Il suffit d’une simple opération bancaire avec pour seule restriction de respecter des ratios de réserves obligatoires, placées à la banque centrale. L’emprunteur devra payer la part principale du crédit, plus les intérêts alors même que ces intérêts n’ont pas été injectés dans l’économie par la banque.
Il n’y a dès lors pas assez d’argent dans le monde pour que nous remboursions tous nos dettes en même temps, par conséquent nous devons faire de nouveaux emprunts pour rembourser les précédents. Nous pensons que nous payons seulement des intérêts quand nous faisons un emprunt, mais comme chaque entreprise emprunte de l’argent, nous payons le prix de l’intérêt dans presque toutes nos transactions. ( voir Margrit Kennedy :’ Occupy Money’).

Il est difficile pour nos cerveaux de concevoir les intérêts composés et la fonction exponentielle, alors voici une devinette : Que préféreriez vous ?

  • 10 000€ par semaine pendant un an
  • 1 centime multiplié par 2 toutes les semaines pendant un an

Alors que la première option semble attrayante car elle offre une grande possibilité d’argent liquide, un centime multiplié par 2 toutes les semaines pendant un an aboutit à la somme de 45 trillion € au bout du compte : une grosse somme si on compare avec les 520 000 € que l’on obtiendrait avec la première option. On peut consulter le schéma de M.Kennedy pour comprendre la fonction exponentielle des intérêts composés. Dès que l’on paye 3% par an, on a une croissance exponentielle.

Les différents types basiques de schémas de croissances.

A : courbe naturelle, B : courbe linéaire, C : courbe exponentielle

Conclusion : parce que la monnaie est créée à partir de dette entraînant des intérêts composés, il nous faudrait une croissance illimitée pour rembourser des intérêts qui ne finissent jamais. Nous savons que ce modèle n’est pas durable sur une planète avec des ressources limitées.

3/ sans critères éthiques par rapport au projet avec uniquement une recherche de rentabilité court terme

Pour émettre de la monnaie, les banques ne s’intéressent qu’à notre solvabilité et à notre garantie : pourrons nous rembourser le prêt ?

La monnaie n’est pas émise selon des critères éthiques, environnementaux ou social. Cela conduit à une vision très court terme du monde et à une conception très étroite de ce qu’est la création de richesse. Les banquiers préféreront toujours des projets sans éthique particulière mais avec de gros bénéfices et une bonne garantie de remboursement.

Conclusion : le seul critère qui permette la création de monnaie est le bénéfice à court terme : la monnaie dans le capitalisme n’a pas de critère de sélection en ce qui concerne les conséquences du projet et son incidence sur le développement humain et sur l’environnement. L’émission de monnaie est en dehors du champ démocratique.

4/ émise en rareté artificielle, engendrant et encourageant des mécanismes de compétition

Puisque l’argent émis est seulement la part principale du prêt, mais pas l’intérêt qui va avec , cela créée,  à un niveau systémique une insuffisance dans la masse monétaire par rapport à la somme des intérêts que nous avons à rembourser. que nous devons nous mettre en recherche d’argent en dehors du marché pour pouvoir rembourser nos emprunts.

Malgré nos relations d’amitié ou familiales, cela veut dire que nous nous retrouvons   comme des ennemis qui essayent de récupérer de l’argent pour payer nos intérêts et nous débarrasser de nos emprunts. Ce système crée de la compétition et de la pénurie pour tous, et nous rend rivaux les uns envers les autres même si nous sommes collègues, voisins de chambre à l’hôpital, chefs de services ou professeurs d’université. Le fait est que nous sommes concurrents car il n’y a pas assez d’argent pour tous.

Conclusion : nous nous battons tous les jours pour trouver de l’argent comme des animaux qui cherchent leur nourriture sur leur territoire. Nous vivons pleinement un état de conscience de rareté, le plus souvent malgré nous. C’est certainement l’une des attitudes les plus ridicules que nous ayons développées qui nous éloigne les uns des autres.

Que ce soit conscient ou non, ce comportement est le résultat des règles monétaires de notre système.

5/ avec pour conséquences la concentration de l’argent dans peu de mains

L’effet systémique de ces règles est une distribution des richesses selon la loi de Pareto : une concentration de l’argent toujours croissante : plus on en a, plus on en aura.

Nous pensons que tout le monde paye des intérêts, donc que ça devrait être équitable, mais alors que tout le monde paye des intérêts, les gens qui en tirent le plus grand profit sont ceux qui peuvent faire fructifier leur argent. En général, les 10% plus riches détiennent des parts de la dette du pays, et alors que toute la population paye les intérêt ssur cette dette, les 10% les plus riches reçoivent des intérêts de la part de 80% les plus pauvres de la population. Ceci est vrai dans de nombreux pays.

Voyez ci-dessous la comparaison entre les intérêts payés et reçus par les ménages en Allemagne : un transfert d’un milliard par jour sur les taux d’intérêt en 2001 en Allemagne. Olivier Berruyer précise qu’en 2010, les 90% des français les plus pauvres ont payé 16 milliards € aux 10% les plus riches pour payer les intérêts sur la dette française.

Ceci est tout à fait à l’opposé d’une répartition équitable et dans chaque démocratie  cela crée une distribution des richesses déséquilibrée.

Comparaison entre les intérêts pays et reçus, parmi 10 groupes de ménages de 3,8 million de foyers chacun en 2000.

Conclusion : La monnaie capitaliste crée un flux de monnaie de ceux qui s’endettent vers ceux à qui les intérêts sont reversés. Toujours croissant puisque généralement incapables de rembourser leurs dettes, chaque année, dans de nombreux pays, les 90% les plus pauvres versent un paiement au 10% les plus riches. Ceci est l’exact opposé d’une société juste et soutenable.

6/ Résultat : des crises bancaires et monétaires à répétition, des inégalités au niveau des richesses, et une représentation non-démocratique.

A cause de l’instabilité de notre système, nous sommes obligés de réinitialiser le système quand les plus pauvres ne peuvent plus payer les intérêts. C’est exactement comme la fin d’une partie de monopoly, on est obligé de redistribuer l’argent pour continuer de jouer. La Banque Mondiale a recensé 96 crises majeures des banques et 178 crises monétaires sur ces 25 dernières années. Nous arrivons à la fin du jeu car la plupart des gens, des États, des entreprises et des particuliers croulent sous les intérêts composés et ne peuvent plus payer.

Nous sommes arrivés à un niveau où les 50 personnes les plus riches du monde gagnent plus d’argent que les 500 millions les  plus pauvres. Il n’y a jamais eu une si grande inégalité de richesse.

Les lois promulguées et les décisions prises n’ont rien à voir avec la démocratie : la BCE, l’OMC, le FMI et le comité de Bâle pour ne citer qu’eux ne représentent pas les gens. Nous devons absolument ramener ces pouvoirs dans le domaine démocratique.

Conclusion : Les crises monétaires font partie du schéma permettant le développement exponentiel des richesses et des inégalités dans le système capitaliste. Leur rythme s’accentue, mais l’origine du problème n’a pas été adressée jusque là, quand bien même les similitudes entre-elles sont flagrantes.

Notre modèle capitaliste crée des inégalités de richesse, des crises monétaires et ses fondements ne sont pas remis en question dans le discours politique démocratique.

Monnaie capitaliste, que faire?

La monnaie n’est pas le problème, ce sont les règles qui gèrent notre système monétaire : la monnaie est basée sur la dette, émise par des banques privées avec des intérêts qui se transforment en intérêts composés et n’ont aucune responsabilité au regard de l’environnement ou de l’éthique. Elle entraîne des tendances de concentration des richesses entre les mêmes mains et les décisions qui la concerne sont toujours en dehors du champ démocratique.

On peut changer les règles pour jouer autrement, de façon honnête, en créant de la richesse, en respectant la Terre et en mettant l’Homme au centre des préoccupations. On devrait discuter démocratiquement de cette nouvelle gouvernance, globalement et localement, avec tous les acteurs économiques. La monnaie n’est pas le problème, c’est la solution, à condition qu’elles soient faites avec le cœur!

Des solutions existent déjà :

Au niveau bancaire : la banque Jak en Suède propose un fonctionnement sans intérêt
Une approche TopDown :
un revenu de base financé par la banque centrale
Une approche BottomUp :
les monnaies complémentaires : Le Wir en Suisse, le Chiemgauer en Allemagne, le SOL en France, le Palmas au Brésil, les SELs un peu partout.
Une approche basée sur la confiance et l’amour
: Economie du don, voir les travaux de Charles Eisenstein sur l’économie sacrée.

Les Valeureux lancent leur offre de design, accompagnement, conseil en monnaies complémentaires pour créer des monnaies qui ont du sens, respectent l’Homme et la Nature et contribuent à faire circuler les richesses entre les citoyens et les organisations.

Nous remercions Stanislas Jourdan pour sa contribution à cet article – http://www.tetedequenelle.fr/


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